Fernand Michaud

Les vertiges de Fernand Michaud

par Michel Tournier
écrivain

Montaigne a dit que la parole appartenait pour moitié à celui qui la prononce, pour moitié à celui qui l’écoute. Les portraits faits par un grand photographe sont autant ses propres auto-portraits que les images des hommes et des femmes qu’il a photographiés. N’ont-ils pas en effet un « air de famille » ces visages modelés par les coups du hasard et la lumière intérieure de l’esprit ? Fernand Michaud porte en lui un monde, lequel sourd tranquillement de sa « boîte de nuit », dès qu’il l’entrouvre, et recouvre les choses et surtout les gens. Qui êtes-vous Fernand Michaud ? Ces 45 portraits répondent : je suis un regard grave et amusé, attentif et calme, sans tristesse mais sans illusion. Je suis tout ce que la lumière dépose de paix et de désenchantement sur une vie.

À ce dialogue entre photographe et photographié s’ajoute ici une troisième dimension a laquelle je ne puis demeurer insensible : celle d’Arles et des Rencontres Internationales de Photographie. Comment n’être pas touché au cœur, quand on fait partie de la famille, en reconnaissant dans cette série les hommes et les femmes « d’images » comme disait Albert Plécy, ceux et celles que l’on a croisés au Théâtre Antique ou sur la Place du Forum, et dont on connaît et admire l’œuvre ?

Un photographe qui photographie avec prédilection des photographes ! Décidément non, on n’échappe pas aux vertiges de l’auto-portrait.

Michel Tournier, 1986