Fernand Michaud

Photographe ?

par Bernard Faivre d’Arcier
Directeur du festival d’Avignon

Quand, aux premiers jours de 1980, Fernand Michaud franchit le seuil de notre petit bureau à Paris, il se demandait, un peu inquiet, quel accueil il allait trouver auprès de la nouvelle équipe du Festival. Je n’étais pas moins circonspect, m’attendant à quelque sollicitation de dernière heure : « Fernand Michaud, Photographe ». De quoi ? De création, a-t-il discrètement insisté. Et il ouvrit un grand dossier cartonné « En attendant Godot ».

Depuis ce jour je n’arrive pas à m’imaginer le théâtre de Beckett autrement qu’en noir et blanc. La rigueur, la précision, le soin de ces photos renforçaient tant la tension et la pureté de ce théâtre d’idées que je me demandais ce que Fernand Michaud pouvait bien photographier d’autre...

Je découvris alors ses portraits. Je n’arrive toujours pas à comprendre d’ailleurs comment, dans l’agitation et la chaleur du Festival, il arrive a faire ce travail. On l’entrevoit, solitaire, affairé et malicieux dans les loges ou au fond d’un jardin, avec ses victimes qui, tendues ou épuisées ou ironiques, se demandent généralement pourquoi diable elles ont accepté de se faire « tirer le portrait »... Il faut décidément que Fernand Michaud ait un sens aigu du théâtre pour arriver à le faire ressurgir sur le visage même des acteurs ou des metteurs en scène qu’il photographie. L’œil goguenard de Jo Lavaudant, l’intelligence tendre de Daniel Mesguich, la dureté fragile de Pina Bausch. Et tous ces visages qui se composent et se décomposent avant l’entrée sur scène.

Fernand Michaud a des privilèges que son métier et sa curiosité lui ont acquis. ll n’y a jamais d’impudeur, car il y a toujours du respect dans ces portraits de comédiens francais.

En le conviant à travailler sur les pièces de Pina Bausch, « Kontaktof » et « 1980 », je me demandai comment lui, photographe du visage, allait rendre compte de ces lignes de jambes, de hanches, de mains. Comment saisir la chorégraphie de Pina ? Ses longues diagonales, les courses rapides qui surgissent du fond du plateau, les mille mouvements infimes réglés pour les danseurs.

ll s’est fait pour cela portraitiste des chevilles et des bras, se coulant parfaitement dans les lignes de fuite, les profondeurs de l’espace de ce théâtre-danse.

En cela, ce travail répond bien à ce que l’équipe du Festival souhaite en conviant des arts à se rencontrer : un échange d’imaginaire, un enrichissement mutuel, un acte de foi réciproque.

Bernard Faivre d’Arcier